GRANDIR 12 Mourir à sa vie pour naître en Jésus
par Yves-Marie Carpentier (diacre du diocèse de Cambrai)
Frères et sœurs, vraiment, Dieu n’est plus ce qu’Il était ! C’était pourtant un bon organisateur de spectacle, il savait créer l’événement ! La Genèse, le déluge, les Tables de la loi, la sortie d’Egypte, Jéricho, Sodome et Gomorrhe, il savait y faire, comme mise en scène. Mais c’est fini, il est « has been », il ne sait plus faire le buzz, surfer sur la vague, créer l’événement ! Il avait pourtant là une occasion formidable : une résurrection, LA résurrection !
Il aurait pu en faire un événement à la hauteur, convoquer les foules, faire intervenir les éléments naturels : éclairs, tonnerre, tremblement de terre ! Rien de tout cela, du moins chez Jean. Pour les autres évangélistes, il y a un peu plus de merveilleux, mais avec pour conséquence de susciter la peur. Bref, un fiasco. Pourtant, Dieu aurait pu nous en mettre plein la vue, profiter de l’occasion pour nous prouver la Résurrection, pour nous l’imposer. Et bien non. Les preuves de la Résurrection ? Un tombeau vide. Des linges bien pliés. Rien. Comme si tout devait disparaître du Jésus d’avant. D’ailleurs, le Jésus que Marie de Magadala rencontre dans la suite du récit de Jean, elle ne le reconnaît pas ; ce n’est plus le même. Ce n’est plus par la vue, l’ouïe, le toucher qu’elle entre en contact avec Lui, mais par le cœur. Marie entend Jésus l’appeler par son nom, mais c’est son cœur qui bondit, qui fait que soudain elle le reconnait. Comme les disciples d’Emmaüs chez Luc « Notre cœur ne brûlait-il pas en nous ? »
La Résurrection de Jésus ? D’abord un vide, un creux, une absence, une vacuité ; celle du tombeau, mais aussi celle des disciples, hommes ou femmes, soudain vidés de leurs certitudes, de leur foi ! Expérience terrible, bouleversante, déstabilisante, de se sentir soudain comme un récipient vidé de son contenu. Mais expérience nécessaire, si on veut vraiment commencer à nouveau de vivre en Dieu. C’est l’expérience que propose le baptême : mourir à sa vie pour naître en Jésus.
Oui, frères et sœurs, en fêtant la Pâque, l’Eglise nous propose, chaque année, de faire à nouveau notre baptême, de faire le grand ménage en nous, de tout nettoyer, de faire place nette, pour, à nouveau, découvrir l’amour de Dieu pour nous. L’Eglise nous propose de nous convertir, chaque année, une nouvelle fois. Pas d’ajouter des couches successives à notre foi, comme un entassement de certitudes. Mais d’oser le désert, d’oser le vide, pour nous remplir du vin nouveau de la Résurrection, pour découvrir à nouveau l’amour, l’Amour de Dieu pour chacun d’entre nous, pour nous tous.
Oh, l’Eglise ne rêve pas, elle nous connaît, elle sait que nous avons du mal à quitter l’abri de nos certitudes. C’est pour cela qu’elle nous donne cinquante jours pour nous convertir ; ces cinquante jours qui nous séparent de la Pentecôte, cinquante jours pour nous permettre d’accueillir l’Esprit Saint qui fera de nous des disciples actifs, prêts à remplir la triple mission de tout baptisé : être prêtre ou prêtresse pour célébrer l’amour de Dieu ; être prophète ou prophétesse pour proclamer cet amour ; être roi ou reine pour vivre de cet amour. Cinquante jours pour nous-mêmes entrer en résurrection. Car si Pâques est la résurrection de Jésus, c’est la Pentecôte qui nous ressuscite. Alors, frères et sœurs, sommes-nous prêts à nous risquer à recommencer, sommes-nous prêts à répondre au nouvel appel que Dieu nous lance par sa Pâque ? (Homélie du jour de Pâques, 1er avril 2018)
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